SpaceX, la société spatiale dirigée par Elon Musk, a absorbé une part importante des véhicules invendus du Cybertruck, le spectaculaire pick-up électrique de Tesla. Plus de 250 unités ont été observées en service sur le site texan de Starbase, base opérationnelle stratégique de SpaceX. Cette réaffectation illustre une approche inédite visant à gérer les surplus d’un produit phare dont les ventes n’ont pas suivi les projections ambitieuses de son constructeur.
Des dizaines de millions de dollars en Cybertrucks redéployés
Le site de Starbase, en pleine expansion, accueille aujourd’hui une impressionnante flotte de Cybertrucks. Des recensions en décembre 2025 font état de plus de 250 véhicules électriques utilisés par SpaceX pour des missions logistiques, de transport interne et d’assistance sur le terrain. Les anciens camions essence ont été progressivement remplacés par ces pick-up futuristes à la coque en acier inoxydable.
Cette opération intervient dans un contexte de ventes en net recul pour le Cybertruck. Sur les neuf premiers mois de 2025, Tesla n’a écoulé que 16 097 unités, soit une baisse de 38 % comparée à l’année précédente. Le troisième trimestre a été particulièrement critique, avec 5 385 ventes, en chute libre de 63 % par rapport à la même période en 2024.
Un réemploi stratégique des stocks invendus
Face à cette demande civile en berne, la transition vers un usage interne est apparue comme une stratégie efficace. En redéployant les unités non vendues au sein de son propre écosystème, Elon Musk limite les coûts de stockage et amortit la production sans brader les véhicules sur le marché. Cela permet également à SpaceX de disposer d’engins adaptés aux contraintes spécifiques du site de Starbase, où des conditions de terrain complexes justifient l’usage de véhicules robustes et autonomes.
Le Cybertruck, avec sa capacité de charge élevée et sa résistance à toute épreuve, s’avère utile pour les besoins très pratiques de SpaceX, loin des attentes parfois contradictoires du marché automobile traditionnel.
Une demande civile inférieure aux attentes
Lors de son annonce en fanfare en 2019, le Cybertruck avait généré des réservations massives. Cependant, le passage à la réalité commerciale s’est révélé plus complexe. Entre son design polarisant, ses options coûteuses et l’arrivée massive de concurrents comme Rivian ou Ford, le véhicule a vite perdu de son attrait.
En 2025, le Cybertruck ne représente plus que 1,2 % du marché des véhicules électriques, contre 1,5 % un an plus tôt. Tesla a tenté de relancer la dynamique en réduisant les prix, en modifiant les configurations (comme la suppression de la finition « Foundation Series ») et en intensifiant les campagnes commerciales. Malgré cela, les invendus se sont accumulés.
Des questions sur la rentabilité du programme
Le transfert massif vers SpaceX suscite des interrogations sur la viabilité économique du programme Cybertruck. À ce jour, les modalités exactes de la transaction entre Tesla et SpaceX restent inconnues. Aucun document officiel n’a confirmé si ces achats ont été réalisés à prix coûtant, avec rabais ou via d’autres mécanismes internes.
Le montant évoqué officieusement — « des dizaines de millions de dollars » — reste à confirmer. Toutefois, même sans preuve comptable directe, la présence visible et opérationnelle de centaines de Cybertrucks à Starbase témoigne d’une réaffectation concrète et significative.
Optimisation ou symptôme de faiblesse structurelle ?
Cette opération interroge profondément sur la stratégie industrielle de Tesla. La réaffectation interne peut paraître astucieuse — une façon de faire circuler des actifs immobilisés vers des fonctions utiles. Mais elle peut aussi être vue comme le symptôme d’un produit mal calibré par rapport aux attentes du marché civil.
Si cette réutilisation soulage momentanément les stocks, elle ne saurait tenir lieu de plan long terme. La rentabilité d’un projet automobile dépend avant tout de sa capacité à séduire le marché. Une trop forte dépendance à des usages internes dénote une fragilité commerciale qu’aucune synergie d’entreprise ne peut complètement masquer.
Des pistes d’enquête encore ouvertes
De nombreuses zones d’ombre subsistent. La quantité exacte de Cybertrucks transférés, le coût net pour Tesla, la nature comptable du transfert (vente, leasing interne, amortissement croisé) et les impacts sur les résultats financiers consolidés n’ont pas été communiqués.
Des demandes d’accès aux immatriculations au Texas pourraient permettre d’établir un volume précis. De plus, des déclarations officielles de SpaceX ou Tesla permettraient de clarifier les intentions et les mécanismes commerciaux de cette manœuvre interne. À ce jour, aucune des deux entreprises n’a commenté publiquement cette opération de grande ampleur.
Conséquences pour Tesla et le secteur EV
Au-delà du cas spécifique du Cybertruck, cette stratégie soulève une problématique plus large : celle de la surproduction dans le secteur du véhicule électrique. Tesla n’est pas seule à y faire face. De nombreux constructeurs doivent composer avec des stocks excédentaires, des taux de financement élevés, et une concurrence technique et tarifaire toujours plus agressive.
Dans ce contexte, le redéploiement des Cybertrucks vers SpaceX pourrait bien être le premier signal public d’une tendance plus vaste : le réemploi industriel systématisé des invendus dans un secteur en mutation rapide.

