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Les États-Unis risquent de perdre l’accès à l’orbite en 2030 “si aucune station privée n’est prête”

Les États-Unis risquent de perdre l’accès à l’orbite en 2030 “si aucune station privée n’est prête”

Alors que la Station spatiale internationale (ISS) s’approche de sa fin opérationnelle, prévue entre 2030 et 2031, la NASA réoriente ses efforts vers le développement de stations spatiales commerciales destinées à prendre le relais. Cette transition marque un tournant stratégique pour l’agence spatiale américaine, qui entend maintenir sa présence en orbite terrestre basse (LEO) tout en transférant progressivement les infrastructures aux acteurs privés.

Une fin programmée pour l’ISS et une nouvelle approche

Lancée en 1998, l’ISS a été pendant plus de deux décennies une plateforme unique pour la recherche scientifique en microgravité. Son retrait programmé impose à la NASA un casse-tête logistique et politique : comment assurer une présence humaine continue en LEO sans interruption ni dépendance stratégique vis-à-vis d’autres puissances spatiales, notamment la Chine et sa station Tiangong ?

Pour répondre à ce défi, l’agence s’appuie sur le programme Commercial LEO Development (CLD), lancé pour initier, soutenir et certifier de futures stations commerciales capables d’héberger des astronautes, conduire des expériences scientifiques et développer des activités économiques en orbite.

La stratégie CLD : deux phases pour un avenir orbital

Le programme CLD se déploie en plusieurs étapes. La phase 1, amorcée en 2020, vise à financer les études de faisabilité et à encadrer la maturation des designs. Des entreprises comme Axiom Space, Vast, Blue Origin et Voyager Space développent ainsi différentes approches de stations orbitales modulaires ou autonomes.

La phase 2, attendue pour mi-2026, prévoit la sélection finale des infrastructures certifiées par la NASA pour des opérations commerciales. L’objectif est clair : éviter toute « période blanche » entre la désorbitation de l’ISS et la mise en service de ces nouvelles plateformes.

Mais aucun projet n’égale encore les capacités de recherche, d’hébergement et d’endurance de l’ISS. Le calendrier reste serré, et le risque de discontinuité inquiète au plus haut niveau.

Vast bouscule les lignes avec Haven-1

En tête de cette course, l’entreprise californienne Vast se distingue par sa rapidité d’exécution et sa stratégie audacieuse. Elle prévoit le lancement de Haven-1, première station spatiale commerciale autonome, dès mai 2026 grâce à une fusée Falcon 9 de SpaceX. Cette station cylindrique de près de 45 m³ offrira un séjour de 30 jours pour un équipage de quatre personnes.

Haven-1 propose des équipements pour la recherche, la fabrication en microgravité, une connectivité internet permanente et un dôme d’observation terrestre. Le système de support vital repose sur une technologie dérivée de la navette spatiale américaine, avec une architecture en « boucle ouverte ». Max Haot, CEO de Vast, résume l’enjeu : « Si nous réussissons à lancer notre station avant même de remporter le contrat NASA, nous serons le seul acteur à l’avoir fait de manière autonome. »

Avec une équipe de près de 1 000 personnes et une structure principale quasiment finalisée pour juillet 2025, Vast vise également une station plus ambitieuse, Haven-2, en concurrence directe avec l’ISS.

Axiom Space, un acteur établi sur une approche modulaire

Axiom Space, acteur pionnier dans le partenariat avec la NASA, construit actuellement une station modulaire destinée à se détacher de l’ISS à terme. Un premier module est déjà amarré à la station actuelle, et l’entreprise accélère son calendrier pour répondre aux exigences du CLD.

Forte de son expérience et de son historique avec l’agence américaine, Axiom se positionne comme un concurrent sérieux capable d’étendre ses capacités orbitales dans les délais impartis.

Orbital Reef, Starlab et les autres challengers

Le paysage des projets est dense et diversifié. Orbital Reef, porté par Blue Origin et Sierra Space, a pris du retard. Starlab, développé par Voyager Space et Airbus, est quant à lui en phase de design détaillé. D’autres initiatives, comme celles de The Exploration Company ou de startups émergentes, contribuent à l’effervescence technologique autour de LEO.

Chacune de ces architectures tente de répondre à la complexité du défi orbital avec des propositions innovantes : systèmes de production, habitats hybrides, laboratoires spécialisés ou plateformes robotisées.

Un calendrier exigeant et sans filet de sécurité

Les échéances sont précises mais contraignantes :

La NASA mise sur une synchronisation parfaite. Mais aucune station commerciale ne sera pleinement opérationnelle dès 2030 sans risque de glissement. Le délai semble court.

Une souveraineté orbitale mise à l’épreuve

Au-delà des aspects techniques, le contexte géopolitique ajoute une pression stratégique. Face à l’expansion rapide de la Chine dans l’espace habité, Washington veut garantir un contrôle autonome et continu sur sa présence en orbite. Perdre l’accès à LEO, même temporairement, serait symboliquement et scientifiquement dommageable.

En parallèle, la NASA doit s’assurer que le modèle économique des stations privées soit viable. La recherche institutionnelle, les missions commerciales, l’industrie pharmaceutique ou l’observation terrestre devront contribuer à un écosystème spatial durable.

Vers un nouvel écosystème spatial commercial

Cette nouvelle architecture orbitale repose sur un paradoxe : transférer les clés de l’orbite basse au secteur privé sans relâcher le contrôle stratégique. La démarche illustre l’ambition américaine de bâtir un marché spatial ouvert, résilient et pérenne.

Le succès de cette transition dépendra de la capacité des entreprises à livrer des stations sûres et fonctionnelles dans les délais. Si Vast réussit à lancer Haven-1 avant 2026, elle deviendra la première entreprise à opérer une station indépendante. Mais la vraie réussite viendra de la capacité à maintenir un battement humain constant en orbite.

La fin de l’ISS signe ainsi non seulement l’aboutissement d’une ère, mais l’ouverture d’une nouvelle étape de l’exploration spatiale : commerciale, compétitive et stratégique.

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