« Amazon menace SpaceX  » le Project Kuiper défie l’hégémonie de Starlink dans l’internet haut-débit par satellite

Amazon entre de plain-pied sur le terrain de l’internet spatial. Son Project Kuiper, récemment passé en phase opérationnelle, s’attaque directement à la position dominante de SpaceX dans le secteur du haut débit par satellite. Selon un rapport publié par Bank of America, Amazon pourrait sérieusement éroder le quasi-monopole détenu jusqu’ici par Starlink en mobilisant ses ressources industrielles et technologiques massives.

Starlink, un géant en orbite mais plus seul

Lancé en 2019, le service Starlink de SpaceX s’est imposé rapidement comme le leader incontesté de la connectivité globale depuis l’espace. À ce jour, la constellation compte plus de 8 000 satellites actifs, desservant 125 pays et plus de 5 millions d’abonnés.

L’approche de SpaceX repose sur une couverture rapide et mondiale, soutenue par sa flotte de lanceurs Falcon 9, entièrement réutilisables. Starlink a su s’implanter dans les zones rurales déconnectées, mais aussi élargir son offre à des secteurs spécialisés tels que la navigation maritime et les transports.

Pourtant, cette domination est désormais remise en question par une initiative ambitieuse : le Project Kuiper d’Amazon.

Project Kuiper : une montée en puissance calculée

Conçu dès 2019 et doté d’un budget initial de 10 milliards de dollars, Project Kuiper vise à mettre en orbite 3 236 satellites sur plusieurs années. En avril 2025, Amazon a lancé avec succès ses premiers satellites de production, amorçant une nouvelle phase du programme : celle du déploiement opérationnel.

Alors que la couverture mondiale reste à venir, les performances techniques initiales de Kuiper se veulent compétitives. Les tout premiers tests montrent un débit pouvant atteindre 400 Mbps sur les terminaux standard, une avance sur les premiers niveaux d’abonnement Starlink. La latence reste encore à confirmer mais les objectifs affichés sont similaires à ceux de son concurrent.

Le lancement des services commerciaux est prévu pour fin 2025 ou début 2026. En dépit d’un retard face au calendrier accéléré de Starlink, Amazon semble prêt à combler l’écart rapidement grâce à des alliances stratégiques.

Des partenariats clés et une logistique industrielle étendue

Contrairement à SpaceX, qui développe ses propres lanceurs, Amazon adopte une stratégie multiplateforme. Project Kuiper repose ainsi sur des lancements fournis par Blue Origin, United Launch Alliance (ULA), Arianespace et même, de manière paradoxale, SpaceX.

Cette démarche permet une flexibilité industrielle et une adaptation rapide aux cadences de lancement. Elle traduit aussi l’ampleur des moyens engagés, à l’image de la logistique d’envoi et de contrôle des satellites, appuyée par les infrastructures du groupe Amazon.

Une différence stratégique : le cloud comme levier majeur

Ce qui distingue véritablement Project Kuiper de Starlink est l’intégration prévue avec AWS (Amazon Web Services). Grâce à cette synergie, Kuiper entend offrir bien plus qu’une simple connectivité : une plateforme complète de services numériques, incluant le edge computing, le cloud et potentiellement l’IoT. Cette approche vise les entreprises, les institutions publiques et les grands marchés émergents.

SpaceX, focalisé sur le service grand public, développe néanmoins des innovations comme son réseau Starlink V2, incluant des capacités de connectivité directe avec les téléphones cellulaires. Amazon pourrait toutefois prendre l’ascendant auprès des clients institutionnels en offrant des solutions combinées de réseau et de traitement de données.

Une concurrence croissante dans un marché en expansion

La bataille entre Starlink et Kuiper ne se livre pas en vase clos. OneWeb, Telesat, le projet chinois GuoWang et d’autres initiatives nationales alimentent une compétition mondiale dans un marché estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars sur les deux prochaines décennies.

Face à ces tensions, les enjeux réglementaires prennent de l’ampleur. Amazon adopte une posture diplomatique plus souple que celle de SpaceX, notamment en Inde, où la sensibilité aux questions de souveraineté numérique reste forte. Cette prudence pourra s’avérer décisive dans les marchés du Sud global.

Deux visions opposées de la connectivité spatiale

En regardant les deux constellations, leurs forces et leurs limites sont désormais bien identifiables :

  • Starlink bénéficie d’un réseau vaste, éprouvé et rentable à court terme, centré sur l’utilisateur final.
  • Kuiper mise sur une implantation progressive, étendue, avec une offre enrichie par l’écosystème Amazon.

À terme, le succès ne se jouera pas uniquement sur la taille de la constellation, mais sur la valeur ajoutée des services satellitaires pour les utilisateurs – qu’ils soient des particuliers, des flottes, ou des centres de données situés au cœur de continents peu connectés.

Conclusion : un nouvel ordre orbital se dessine

Le lancement opérationnel de Project Kuiper pourrait rapidement redéfinir les équilibres dans la fourniture de l’internet global par satellite. Si SpaceX conserve une longueur d’avance technologique et commerciale, Amazon déploie une stratégie alternative puissante, s’appuyant sur une capacité financière hors norme, sa chaîne logistique mondiale et la puissance d’AWS.

Derrière cette confrontation technologique, un enjeu se profile : qui dominera demain la connectivité numérique planétaire ? Le passage de deux géants de la tech à la conquête du ciel pourrait conditionner l’accès à l’information, au cloud et aux services numériques d’une large partie de la population mondiale durant les décennies à venir.

Eric Durand
Eric Durand

Passionné par l’exploration spatiale, Eric Durand suit de près les avancées de SpaceX depuis des années. Sur SpaceX France, il décrypte l’actualité des lancements, des technologies et des projets de l’entreprise d’Elon Musk, avec clarté et précision.

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