Des signaux secrets de SpaceX bouleversent le ciel : une menace invisible plane sur l’espace orbital

Des signaux radio imprévus et déroutants émis par des satellites secrets de SpaceX destinés à la défense américaine viennent d’être mis au jour par un astronome amateur. Ces transmissions posent de sérieuses questions sur la régulation du spectre électromagnétique spatial et sur la transparence des opérations militaires en orbite.

Des signaux détectés par accident

Alors qu’il suivait la trajectoire de satellites civils, Scott Tilley, un observateur amateur basé au Canada, a intercepté une série de signaux radio dans une bande de fréquences inhabituelle. En analysant leur origine, il a découvert qu’ils provenaient de satellites de la constellation Starshield, une flotte classifiée construite par SpaceX et opérée par le gouvernement américain.

Depuis mai 2024, le gouvernement a lancé silencieusement 11 missions mettant en orbite plusieurs centaines de ces petits satellites dans le cadre d’un programme mené par le National Reconnaissance Office (NRO), une entité chargée des reconnaissances militaires et de la collecte de données stratégiques.

Un usage frauduleux du spectre radio

Les signaux détectés occupent le segment de 2025 à 2110 MHz, une portion traditionnellement réservée aux communications de commande montantes – de la Terre vers les satellites. Or, les satellites Starshield utilisent ces fréquences pour transmettre des données vers la Terre, ce qu’on appelle une communication descendante.

Cette pratique enfreint les règles de l’Union internationale des télécommunications (UIT), qui coordonne l’allocation équitable du spectre à l’échelle mondiale. Selon Tilley, ce non-respect des normes techniques pourrait fragiliser les chaînes de commande de satellites partageant la même bande.

Interférences potentielles pour d’autres opérateurs

Les experts s’accordent sur le fait que la situation est préoccupante. Des satellites commerciaux ou scientifiques situés sur des orbites semblables pourraient subir des perturbations radioélectriques compromettant leurs échanges avec les stations au sol.

Tilley met en garde : « Les satellites à proximité pourraient recevoir des signaux erronés, ou ignorer les commandes normales émanant de la Terre. » Bien que la gravité de ces interférences n’ait pas encore été pleinement mesurée, Kevin Gifford, chercheur spécialisé en interférences spatiales à l’Université du Colorado, confirme que le risque est réel.

Un impact limité sur l’astronomie radio

Malgré l’ampleur du signal capté, il semble peu probable que les émissions Starshield affectent l’astronomie radio, selon les premières analyses. Néanmoins, le champ radioastronomique étant très sensible, cette conclusion reste provisoire et appel à une surveillance continue.

Des fréquences choisies pour la discrétion

Plusieurs hypothèses émergent pour expliquer l’usage illicite de ces bandes. L’une propose que cette stratégie vise à dissimuler les flux de données des satellites Starshield. En émettant là où les communications descendantes sont inattendues, SpaceX rendrait plus difficile la détection, voire le décryptage, de ses activités par des observateurs étrangers.

Une autre possibilité est plus pragmatique. Les fréquences allouées aux communications montantes sont peu utilisées : brèves et sporadiques, elles représentent un espace relativement silencieux du spectre radio dans certaines zones, que SpaceX pourrait chercher à exploiter pour éviter les encombrements habituels.

Opacité des orbites et dérives réglementaires

La constellation Starshield opère dans des orbites classifiées, complétant un dispositif de couverture dont peu d’informations sont accessibles au public ou à la communauté scientifique. Ce manque de transparence empêche toute évaluation indépendante des risques pour d’autres utilisateurs de l’espace orbital.

Plus largement, cet épisode révèle un fossé croissant entre les innovations des acteurs privés à finalité militaire et les règles existantes de gouvernance spatiale. Le non-respect des normes de l’UIT par un programme gouvernemental épaulé par un acteur commercial majeur soulève la question : qui protège l’ordre orbital quand les règles sont si facilement contournées?

Un précédent préoccupant pour l’espace partagé

La découverte de Scott Tilley souligne un défi urgent pour la régulation internationale du spectre radioélectrique. Dans un environnement orbital de plus en plus saturé, l’émergence de comportements non conformes, même de la part de nations établies, menace les communications mondiales et la sécurité des opérations satellitaires.

Cette affaire pourrait accélérer les débats autour de la souveraineté technologique orbitale et renforcer l’exigence de transparence pour les systèmes spatiaux opérant dans les zones partagées. À l’heure où les frontières entre défense, commerce et exploration deviennent floues, la préservation du ciel ne doit plus être une affaire d’États seuls.

Eric Durand
Eric Durand

Passionné par l’exploration spatiale, Eric Durand suit de près les avancées de SpaceX depuis des années. Sur SpaceX France, il décrypte l’actualité des lancements, des technologies et des projets de l’entreprise d’Elon Musk, avec clarté et précision.

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