La sénatrice américaine Maggie Hassan a demandé à SpaceX des comptes sur l’utilisation présumée de son réseau internet satellitaire Starlink par des groupes criminels organisés, accusés de mener des escroqueries numériques à grande échelle contre des citoyens américains.
Starlink dans le viseur du Congrès
Dans une lettre adressée à Elon Musk début juillet, la sénatrice du New Hampshire a exhorté le PDG de SpaceX à s’expliquer sur les mesures mises en place pour prévenir l’utilisation frauduleuse de Starlink. Elle pointe du doigt des activités criminelles orchestrées depuis des complexes situés en Asie du Sud-Est, notamment en Thaïlande, au Myanmar, au Cambodge et au Laos.
Selon Hassan, ces groupes ont détourné des milliards de dollars à des citoyens américains en exploitant la mobilité et l’indépendance du réseau satellitaire Starlink. Ce dernier, conçu pour offrir une connectivité internet dans les zones les plus isolées, échappe à la surveillance des infrastructures télécoms locales, rendant la détection des activités illégales plus complexe pour les autorités internationales.
Des preuves inquiétantes sur le terrain
Entre novembre 2024 et février 2025, des analyses ont identifié plus de 40 000 connexions Starlink provenant de zones frontalières entre la Thaïlande et le Myanmar, souvent associées à des centres d’escroquerie massifs. Ces complexes emploient des milliers de personnes contraintes à participer à des arnaques en ligne sophistiquées, incluant du phishing, des fraudes sentimentales ou des escroqueries aux cryptomonnaies.
Un rapport du Bureau des Nations Unies contre la Drogue et le Crime, publié en octobre 2024, révèle que les dispositifs Starlink sont devenus une infrastructure privilégiée de ces réseaux. Ces groupes supportent des opérations transnationales hautement coordonnées, ciblant fréquemment les États-Unis, l’Australie, le Canada ou l’Europe.
La situation a été confirmée par des saisies récentes de matériel Starlink lors de raids policiers menés en Thaïlande fin juillet. Les autorités ont démantelé plusieurs installations apparentées à des « compounds », récupérant des dizaines de terminaux. Cet usage stratégique de Starlink constitue désormais une menace majeure pour les efforts de lutte contre la cybercriminalité.
Les demandes précises du Sénat
La lettre de Maggie Hassan exige de SpaceX une transparence immédiate sur plusieurs points :
- La connaissance de SpaceX de l’exploitation frauduleuse de Starlink par des groupes criminels.
- Les politiques d’enquête interne et de désactivation des terminaux utilisés à des fins illégales.
- La nature de la coopération entre SpaceX et les agences de sécurité américaines ou internationales.
Hassan souligne que les conditions d’utilisation de Starlink permettent à SpaceX de mettre fin à un abonnement en cas d’abus. Pourtant, selon elle, le maintien en activité de ces terminaux dans des zones identifiées comme à haut risque suggère un manque de mise en œuvre effective ou de coordination avec les forces de l’ordre.
Des critiques grandissantes contre SpaceX
Sous pression, SpaceX n’a pour l’instant fourni aucune réponse publique détaillée. Selon des sources proches de l’enquête, des dispositifs auraient bien été désactivés par l’entreprise dans certains cas, sans que l’ampleur réelle de ces mesures ne soit communiquée.
Des experts de la cybersécurité et des ONG de lutte contre la fraude critiquent cette opacité. Erin West, fondatrice de l’initiative Operation Shamrock, qualifie Starlink de « colonne vertébrale technique » de ces réseaux de fraude. Elle rappelle que Starlink, en tant qu’entreprise américaine, porte une part de responsabilité quant aux usages détournés de sa technologie.
Le député thaïlandais Rangsiman Rome déclare également que « les criminels exploitent Starlink pour mener des fraudes massives » et insiste sur la nécessité d’une coordination globale pour endiguer cette menace.
Un défi technologique et géopolitique
Ce cas soulève des questions profondes sur la cybersécurité dans un monde de plus en plus connecté par flux satellitaires. Contrairement aux réseaux terrestres, les infrastructures spatiales comme Starlink échappent aux juridictions nationales classiques. Cette dissociation entre technologie déployée et cadre réglementaire pose un défi majeur pour les États dans leur lutte contre la criminalité numérique transnationale.
L’affaire met aussi en lumière le besoin d’un dialogue plus étroit entre les entreprises technologiques privées, les gouvernements et les institutions internationales. Seule une approche collaborative permettra de sécuriser les technologies émergentes sans freiner leur potentiel d’innovation, notamment dans les zones privées de connectivité.
Une surveillance renforcée à venir ?
À mesure que la portée géographique et sociétale de Starlink s’élargit, l’affaire pourrait devenir un test emblématique de la manière dont les technologies spatiales privées répondent aux obligations de diligence. Le Congrès américain pourrait intensifier ses demandes de régulation, voire imposer de nouvelles normes contraignantes sur l’identification et la désactivation des terminaux dans certains contextes géographiques ou d’usage.
En attendant, la communauté internationale reste en alerte. L’enquête continuera de scruter les faits, tandis que les citoyens concernés attendent des réponses concrètes sur la sécurisation des technologies conçues pour les connecter — et non pour les tromper.