Pourquoi la New Glenn de Blue Origin revient quasi intact de l’espace ?

Le 13 novembre 2025, Blue Origin a franchi un cap crucial en récupérant pour la première fois le booster de son lanceur lourd New Glenn. Ramené intact sur une barge dans l’Atlantique après son second vol orbital, le gigantesque étage de 58 mètres affiche un état étonnamment propre, presque neuf. Cette prouesse technologique repose avant tout sur un choix stratégique de carburant peu utilisé jusqu’ici : le méthane liquide.

Un moteur à méthane, moteur de propreté

Contrairement aux moteurs au kérosène (RP-1) utilisés dans d’autres lanceurs comme Falcon 9 de SpaceX, les moteurs BE-4 de Blue Origin brûlent du méthane liquide mélangé à de l’oxygène liquide (LOX). Cette combinaison d’ergols permet une combustion plus complète et plus propre.

Le méthane présente deux avantages majeurs. D’une part, il produit très peu de suie et de résidus de carbone, limitant l’encrassement des moteurs et des surfaces proches des tuyères. D’autre part, son absence de dépôts prolonge la durée de vie des composants thermosensibles. En comparaison, les moteurs à kérosène génèrent une importante suie noire et collante, qui exige des opérations longues et coûteuses de nettoyage après chaque vol.

Des retombées techniques immédiates

Grâce à cette propreté, le booster GS-1 est en mesure d’être remis en état en deux à trois semaines, selon les chefs de mission. Cela accélère considérablement les rotations de vols, réduisant le coût et le temps d’immobilisation du lanceur.

Cette efficacité s’appuie aussi sur une récupération soigneusement orchestrée. Le booster a allumé ses moteurs durant les 42 dernières secondes de descente, exécutant une rétropropulsion contrôlée jusqu’à son poser sur la barge « Jacklyn ». Cette manœuvre limite les contraintes thermiques et mécaniques sur la structure du véhicule.

Sécurité renforcée pour les équipes au sol

Autre détail technique déterminant : une fois les réservoirs vidés, les équipes injectent de l’azote gazeux dans les circuits pour éviter tout risque lié aux résidus d’ergols. Cette procédure rend la fusée inerte presque immédiatement. Les techniciens peuvent alors intervenir sans attendre, ce qui accélère encore le processus de récupération et d’inspection.

Un jalon dans la course à la réutilisation

Ce second vol de New Glenn s’inscrit dans le sillage du premier tir en janvier 2025, qui n’avait pas permis de récupérer le booster. En novembre, Blue Origin a lancé avec succès deux sondes martiennes ESCAPADE tout en démontrant pour la première fois la réutilisation de son étage principal. Les images publiées par Jeff Bezos lui-même sur les réseaux sociaux montrent un propulseur étonnamment intact, avec peu de marques visibles, malgré la chaleur extrême et la vitesse du retour orbital.

Selon Dave Limp, PDG de Blue Origin, la fusée sera prête à voler à nouveau dès janvier 2026, lors d’une mission intégrant l’alunisseur Blue Moon, prévu pour participer au programme Artémis.

Une technologie au service d’objectifs plus vastes

Cette avancée va au-delà des ambitions commerciales de déploiement de satellites, notamment pour la constellation Amazon Kuiper. En adoptant le méthane comme carburant spatial, Blue Origin se positionne aussi sur le long terme. Ce carburant, qui peut théoriquement être produit à partir de ressources extraterrestres, ouvre la voie à des missions interplanétaires plus durables.

Par ailleurs, alors que SpaceX domine encore le marché de la réutilisation, cette percée démontre que Blue Origin peut rivaliser sur le terrain des lanceurs orbitaux réutilisables. Le design du New Glenn et ses performances de récupération pourraient même influencer les futurs standards de l’industrie, y compris pour les missions de sécurité nationale visées par la certification de l’US Space Force.

Vers une nouvelle norme de propreté et de performance

L’état impeccable du booster GS-1 montre que les choix techniques de Blue Origin paient. En optant pour un carburant plus propre et en misant sur une récupération maîtrisée, la société réduit les coûts d’entretien tout en augmentant la durabilité de ses équipements. Ce niveau de propreté, rare pour une fusée de cette envergure, n’est pas un simple détail : c’est une avancée concrète vers la réutilisation de masse dans le spatial.

Pourquoi la New Glenn de Blue Origin revient quasi intact de l’espace
Eric Durand
Eric Durand

Passionné par l’exploration spatiale, Eric Durand suit de près les avancées de SpaceX depuis des années. Sur SpaceX France, il décrypte l’actualité des lancements, des technologies et des projets de l’entreprise d’Elon Musk, avec clarté et précision.

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