Le calendrier du programme Artemis de la NASA est une nouvelle fois bouleversé. Selon un rapport actualisé, les retards dans le développement du système Starship de SpaceX repoussent désormais l’objectif d’un alunissage habité initialement prévu pour 2026 à une date estimée en 2028. Cette échéance glissante met en péril les ambitions américaines de devancer la Chine dans la nouvelle course à la Lune.
Starship, un programme phare en difficulté
Le module d’atterrissage lunaire Starship, pièce maîtresse confiée à SpaceX pour la mission Artemis 3, peine à franchir des étapes décisives. Le système n’a pas encore atteint l’orbite terrestre, et plusieurs jalons technologiques restent à valider. Parmi eux, le ravitaillement en orbite est un enjeu crucial. Ce processus, jamais démontré en condition réelle, est indispensable avant tout vol vers la Lune.
Malgré la réalisation de 49 jalons techniques – incluant des tests de protection micrométéoritique, des systèmes de soutien à la vie et des contrôles thermiques – le développement global accuse un important retard. Une évaluation interne de SpaceX prévoit désormais les principaux essais en vol entre 2026 et 2027.
Le calendrier des missions Artemis repensé
Face à ces retards, la NASA a révisé ses prévisions. Le dernier calendrier, établi en novembre 2025, positionne Artemis 2 en avril 2026, suivi d’Artemis 3 à mi-2027, avec une forte probabilité de report en 2028. Artemis 4, qui doit inclure la station en orbite lunaire Gateway, glisse à fin 2028 tandis qu’Artemis 5 est repoussé à 2030.
Cette cascade de décalages contraint la NASA à reconsidérer sa stratégie.
Une réouverture inédite du contrat HLS
En réponse à ces difficultés, l’administrateur par intérim de la NASA, Sean Duffy, a rouvert en octobre 2025 l’appel à concurrence pour le système HLS (Human Landing System). Cette décision vise à stimuler l’innovation et réduire la dépendance envers SpaceX. Blue Origin et d’autres acteurs pourraient désormais proposer des solutions alternatives.
Duffy a souligné que ces retards risquent de compromettre un objectif stratégique : alunir avant la Chine. Le pays asiatique prévoit en effet une mission habitée vers la Lune d’ici 2030. La NASA craint de voir son leadership symbolique remis en cause.
Un projet sous le feu des critiques internes
Des figures influentes du secteur spatial expriment ouvertement leurs doutes. En février 2025, lors d’une audition parlementaire, les experts Dr. Brian Dunbar et Dr. Scott Pace ont estimé que Starship ne serait probablement pas opérationnel avant 2030. Une position partagée par l’ancien administrateur de la NASA, Jim Bridenstine, qui critique l’architecture globale du système d’atterrissage.
Selon lui, la complexité du Starship et le nombre élevé d’opérations nécessaires multiplient les points de défaillance.
La réponse et les prévisions de SpaceX
SpaceX rejette toutefois le pessimisme croissant. L’entreprise rappelle que son contrat prévoit un paiement à l’étape, ce qui incite à l’efficacité. Elon Musk réaffirme sa confiance en une première mission lunaire habitée dès 2027.
L’entreprise développe en parallèle deux versions de Starship : une pour les ambitions martiennes à long terme, et une version Lunaire dédiée à Artemis 3. SpaceX envisage par ailleurs une version « allégée » de la mission Artemis 3 pour gagner du temps, bien que les détails restent confidentiels.
Des ambitions humaines et scientifiques en jeu
Artemis 3 porte un fort poids symbolique et scientifique. La mission doit envoyer la première femme et la première personne de couleur sur la surface lunaire. Elle prévoit un séjour d’une semaine près du pôle Sud lunaire – une zone encore inexplorée, riche en ressources potentielles.
Les astronautes collecteront des échantillons et mèneront des observations géologiques critiques. Ces objectifs humanistes et scientifiques dépendent toutefois entièrement de la disponibilité du système Starship.
L’architecture du programme reste solide
La NASA poursuit le développement de ses autres composants essentiels. Le lanceur lourd SLS (Space Launch System), capable de propulser des équipages au-delà de l’orbite terrestre, a déjà fait ses preuves lors de l’essai Artemis 1. Le vaisseau Orion, qui transportera l’équipage, et les combinaisons avancées d’Axiom Space sont également prêts.
Ces éléments, bien qu’indépendants du Starship, ne peuvent concrétiser la mission sans l’atterrisseur lunaire.
Un tournant décisif pour Artemis
Les retards successifs de Starship repositionnent le programme Artemis à un carrefour stratégique. Si l’administration affiche toujours un objectif pour 2027, les projections réalistes visent désormais 2028, voire au-delà. La décision de rouvrir le contrat HLS reflète une gestion proactive des risques, alors que la compétition lunaire avec la Chine s’intensifie.
Pour la NASA, il ne s’agit pas seulement de retourner sur la Lune. Il s’agit de poser les fondations d’un programme spatial durable, équitable et compétitif, capable de résister aux aléas techniques comme aux pressions géopolitiques.



