Alors que les vols du Starship de SpaceX font la une pour leurs prouesses techniques, une autre question monte en puissance : ces lancements massifs polluent-ils l’atmosphère ? De plus en plus de scientifiques alertent sur une pollution discrète mais préoccupante, directement liée à la croissance explosive des activités spatiales.
Un ciel de plus en plus chargé
En quelques années, l’orbite terrestre est devenue l’un des espaces les plus convoités. L’essor des mégaconstellations de satellites – Starlink (SpaceX), OneWeb ou encore Thousand Sails – a multiplié les lancements. Entre 2020 et 2024, leur nombre est passé de 114 à 259 par an, un record historique.
En parallèle, la quantité de carburant utilisée explose : en 2024, plus de 153 000 tonnes de carburant ont été brûlées pour ces missions. Et ce n’est pas tout : en fin de vie, les satellites sont volontairement désorbités, se désintégrant dans l’atmosphère et libérant des particules métalliques. Rien qu’en 2024, 2 539 objets ont réintégré l’atmosphère, générant 13 500 tonnes de matériaux brûlés.
Une pollution invisible mais puissante
Contrairement aux émissions industrielles visibles au sol, celles des fusées et des satellites se produisent dans les couches hautes de l’atmosphère (stratosphère et mésosphère, entre 15 et 80 km d’altitude). Or, à cette altitude, certaines particules comme la suie ou l’alumine ont un impact climatique jusqu’à 500 fois plus puissant qu’au niveau du sol.
Les principaux polluants relevés sont :
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suie (black carbon),
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oxydes d’azote (NOx),
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composés chlorés et alumine,
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dioxyde de carbone,
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vapeur d’eau.
Ces émissions contribuent à la destruction de la couche d’ozone et au réchauffement climatique en piégeant davantage le rayonnement infrarouge.
Surveiller l’invisible : la mission TEMPO
Pour mieux comprendre cette pollution émergente, la NASA a lancé en 2023 la mission TEMPO (Tropospheric Emissions: Monitoring of Pollution). Placé en orbite géostationnaire, l’instrument mesure en continu la qualité de l’air au-dessus de l’Amérique du Nord.
TEMPO permet désormais de détecter non seulement la pollution urbaine ou les incendies, mais aussi les émissions ponctuelles liées aux lancements de fusées et aux rentrées de satellites. Les données collectées montrent que les mégaconstellations représentent déjà plus d’un tiers des émissions spatiales globales.
Un vide juridique préoccupant
Le problème ? L’industrie spatiale échappe encore à toute régulation internationale contraignante. Le Traité de l’espace de 1967 reste le texte de référence, mais il ne prévoit aucune limite environnementale. Les opérateurs privés n’ont aucune obligation de réduire ou de compenser leurs émissions.
Certains efforts existent, comme les règles européennes imposant des durées de vie limitées aux satellites en orbite, mais ces initiatives restent isolées. Pour plusieurs chercheurs, dont l’équipe de l’University College London (UCL), il est urgent de créer une gouvernance mondiale afin d’intégrer l’espace dans les négociations climatiques.
Un enjeu majeur pour l’avenir
Le développement du Starship et d’autres lanceurs géants ouvre la voie à des programmes ambitieux : retour sur la Lune, exploration de Mars, Internet mondial par satellite. Mais sans régulation, cette nouvelle conquête spatiale pourrait fragiliser les bénéfices du Protocole de Montréal, qui avait réussi à protéger la couche d’ozone dans les années 1990.
En résumé : oui, Starship et les autres fusées polluent l’atmosphère, pas par leur volume d’émissions comparé à l’aviation ou l’industrie, mais par la nature et la localisation de ces rejets, bien plus nocifs en haute altitude. Un défi environnemental qui devra être pris en compte si l’humanité veut conjuguer exploration spatiale et durabilité.



