Ce 8 novembre à 04h10 UTC, le télescope spatial STEREO A a capté un phénomène rare et spectaculaire : une structure complexe de jets émanant de 3I/ATLAS, le troisième objet interstellaire connu à traverser notre Système solaire. Sur fond noir du vide spatial, des panaches de matière ont été filmés jaillissant de son noyau, quelques jours seulement après son passage au plus près du Soleil.
Un visiteur interstellaire au comportement inattendu
Découvert le 1er juillet 2025 par le système d’alerte ATLAS au Chili, 3I/ATLAS, également désigné C/2025 N1, suit une trajectoire hyperbolique. Contrairement aux comètes ordinaires liées gravitationnellement au Soleil, son passage est ponctuel. Issu vraisemblablement d’un autre système stellaire, il s’approche de la Terre sans danger, avec une distance minimale prévue à 1,8 unité astronomique (AU) — soit environ 270 millions de kilomètres — le 19 décembre 2025.
Le 30 octobre dernier, l’objet a franchi son périhélie, situé à 1,4 AU du Soleil. Les conditions d’observation terrestres étant compromises par le fort éclat solaire, les astronomes ont mobilisé des instruments spatiaux, parmi lesquels STEREO, SOHO et GOES-19. Une semaine plus tard, les images capturées ont dévoilé une activité inattendue : une série de jets diffus, impulsifs et orientés dans plusieurs directions.
Une activité post-périhélie d’une rare intensité
Ces jets complexes révèlent une dynamique interne encore mal comprise pour un objet interstellaire. Selon les experts, les panaches observés pourraient être provoqués par la sublimation localisée de glaces volatiles enfouies sous la surface. Des fissures soudaines exposées au rayonnement solaire pourraient agir comme des soupapes naturelles, libérant violemment de la matière dans l’espace.
Ce phénomène a été associé à la libération de composés spécifiques lors de la phase d’approche solaire. Des chercheurs évoquent notamment la présence de glaces de dioxyde de carbone, plus volatiles que l’eau, expliquant une activité accrue malgré un éloignement relatif par rapport au Soleil.
Analyse chimique : une signature à la frontière du connu
Le télescope spatial James Webb (JWST) a livré une première spectroscopie détaillée de la coma entourant 3I/ATLAS. L’objet présente une composition riche en CO2, accompagnée de glace d’eau, monoxyde de carbone et de carbonyle sulfure. Ces gaz sont semblables à ceux observés sur certaines comètes du nuage d’Oort, mais la proportion élevée de dioxyde de carbone pointe vers une origine chimique potentiellement plus primitive ou différente.
Des spectres obtenus au Very Large Telescope (VLT) ont confirmé la présence de cyanure et de nickel atomique, composés rarement détectés dans de telles proportions. Ces éléments renforcent l’idée que 3I/ATLAS contient des matériaux formés dans des environnements extrêmes, éloignés des conditions connues dans notre Système solaire.
Un éclaircissement fulgurant qui interroge les scientifiques
L’un des aspects les plus étonnants du comportement de 3I/ATLAS est son brusque éclaircissement dans les semaines précédant le périhélie. Sa luminosité est passée à une magnitude d’environ 9,8 début novembre. Cette hausse rapide dépasse les modélisations habituelles des comètes de type Oort ou Jupiter-famille.
Plusieurs hypothèses émergent. Parmi elles figurent la vitesse élevée de l’objet, qui favorise un réchauffement intense, ou une composition interne poreuse favorisant la libération massive de gaz à mesure que l’énergie solaire percole à travers les couches superficielles.
Une fenêtre rare sur la chimie interstellaire
L’analyse de la structure de 3I/ATLAS constitue une occasion scientifique unique. Contrairement aux comètes piégées depuis des milliards d’années dans notre nuage d’Oort, cet objet aurait voyagé à travers la galaxie pendant une durée indéterminée, offrant un témoin direct de la diversité chimique des systèmes planétaires lointains.
Les scientifiques voient dans ces observations un levier pour mieux comprendre les mécanismes de formation des planètes. La présence de matériaux organiques et métalliques comme le nickel atomique peut informer sur les conditions initiales d’autres systèmes, mais aussi sur la variabilité des processus de formation des comètes.
Une chronologie révélatrice
- 14 juin 2025 : premières détections rétrospectives dans les archives d’observation.
- 1er juillet 2025 : découverte officielle par les télescopes d’ATLAS au Chili.
- 21 octobre 2025 : invisibilité terrestre due à la conjonction solaire ; suivi maintenu depuis l’orbite géostationnaire.
- 30 octobre 2025 : passage au périhélie à 1,4 AU du Soleil.
- 8 novembre 2025 : révélation d’une activité de jets complexes par les instruments spatiaux.
- 19 décembre 2025 : distance minimale à la Terre (1,8 AU), période optimale d’observation depuis le sol.
Des observations essentielles prévues en décembre
Alors que 3I/ATLAS s’éloigne progressivement du Soleil, les équipes terrestres s’apprêtent à reprendre le relais pour suivre l’évolution de son activité. Cette fenêtre d’observation prolongée devrait permettre d’enrichir les modèles de dégazage, de mesurer la vitesse d’éjection des particules et de confirmer les hypothèses liées à sa structure interne.
Si d’autres objets interstellaires suivront probablement 3I/ATLAS, peu offriront une telle proximité avec notre environnement d’observation. Ce sursaut d’activité post-périhélie représente une opportunité inédite pour approfondir notre compréhension des grains de poussières cosmiques venus d’ailleurs.



