En octobre 2022, un signal lumineux venant du fin fond de l’univers a fait clignoter les instruments spatiaux comme un phare cosmique. Baptisée BOAT – pour “Brightest Of All Time” – cette explosion titanesque entre dans les livres d’histoire comme la plus puissante jamais enregistrée depuis le Big Bang. Une équipe internationale d’astronomes a désormais levé le voile sur la nature de ces événements extrêmes, identifiés comme de nouveaux types d’explosions baptisées Extreme Nuclear Transients (ENTs), révélant des indices inédits sur les sursauts gamma et la dynamique des étoiles en fin de vie.
Des explosions cent fois plus puissantes que notre Soleil
Les Extreme Nuclear Transients sont des événements d’une puissance colossale. Une ENT typique libère autant d’énergie que cent Soleils durant une année entière. Par comparaison, une supernova classique équivaut à l’énergie rayonnée par notre étoile pendant dix milliards d’années. Contrairement aux sursauts gamma traditionnels, qui s’éteignent en quelques secondes ou minutes, les ENT restent brillants sur plusieurs années, visibles depuis les confins de l’univers observable.
Ces explosions ne surviennent pas au hasard. Elles apparaissent au cœur des galaxies, là où résident des trous noirs supermassifs. Lorsque l’une de ces bêtes cosmiques attire une étoile trop massive dans son orbite, celle-ci est déchiquetée par les forces gravitationnelles dans un phénomène cataclysmique appelé événement de perturbation de marée. C’est alors que naît une ENT — extrêmement lumineuse, très énergétique, et durable.
Des observations inédites au cœur des noyaux galactiques
Les premiers indices remontent à 2016 et 2018, lorsqu’un pic de luminosité intense a été capté par la mission européenne Gaia. Une flambée similaire est apparue en 2020 dans les données du Zwicky Transient Facility. Des traînées d’énergie puissantes ont été observées au centre des galaxies lointaines, pointant vers un processus de destruction stellaire ultraviolent.
Ces observations répétées et prolongées ont permis à une équipe dirigée par Jason Hinkle de l’Université d’Hawaï de publier, le 4 juin 2025, une étude dans la revue Science Advances, introduisant officiellement les ENT comme une classe distincte de phénomènes transitoires. « Nous avons observé la déchirure d’étoiles par des trous noirs supermassifs depuis plus d’une décennie, mais ces ENT sont différentes, atteignant des luminosités presque dix fois supérieures à ce que nous voyons habituellement », précise le chercheur.
Un pont entre les sursauts gamma et les événements de marée
Cette découverte pourrait élucider un mystère vieux de plusieurs décennies : la nature des sursauts gamma les plus longs et les plus lumineux jamais détectés. Jusqu’ici, ces événements étaient généralement attribués à l’effondrement rapide d’étoiles hypermassives ou à la fusion de deux objets compacts comme des étoiles à neutrons. Mais la luminosité de la BOAT et d’autres ENT suggère un mécanisme différent, encore plus extrême.
Les ENT apparaissent comme un chaînon manquant entre les sursauts gamma traditionnels et les événements de perturbation de marée plus « calmes ». Cette nouvelle classification donne aux scientifiques un cadre conceptuel unifié pour mieux interpréter les signaux lumineux d’origine lointaine.
Une recharge pour l’astrophysique moderne
Au-delà de leur puissance spectaculaire, les ENT révèlent les conditions extrêmes qui régissent les interactions entre étoiles massives et trous noirs supermassifs. Elles offrent un accès unique à des processus fondamentaux liés à la formation des galaxies, à la croissance des trous noirs et à l’évolution stellaire.
Ainsi, ces explosions pourraient permettre d’affiner les modèles de formation galactique en mettant en lumière le rôle des noyaux actifs et des forces gravitationnelles extrêmes. Les observations futures menées à l’aide de missions comme Gaia, du télescope spatial James Webb et de réseaux de détection transitoire feront progresser considérablement ce champ en expansion.
Une nouvelle ère pour la détection des phénomènes extrêmes
La détection systématique des ENT ouvre de nouvelles perspectives pour l’astronomie moderne. À mesure que les techniques d’analyse automatisée s’affinent, il sera possible de repérer des événements similaires plus rapidement, d’en observer la progression sur plusieurs années et de croiser ces signaux avec d’autres sources d’information comme les ondes gravitationnelles.
Cette démarche pluridisciplinaire permettra de cartographier avec précision les points chauds de l’univers, où ces explosions rares surgissent. Grâce à des efforts coordonnés entre observatoires terrestres et missions spatiales, les astronomes exploreront des phénomènes encore insaisissables il y a dix ans.
L’explosion après le Big Bang : un jalon scientifique
La BOAT n’est pas qu’un record astronomique. Elle marque un tournant pour notre compréhension de l’univers. Les ENT réécrivent les manuels d’astrophysique en introduisant une nouvelle classe de phénomènes, plus énergétiques que tout ce qu’on connaissait jusqu’ici.
A l’image d’une installation nucléaire céleste éclatant à des billions de kilomètres, les ENT éclairent l’histoire cosmique que notre univers grave dans la matière et l’espace-temps. Et à chaque nouvelle observation, une pièce de plus tombe dans le puzzle intergalactique que les astronomes tentent encore de reconstituer.