Thales Alenia Space, mené par son PDG Hervé Derrey, entend imposer l’Europe dans la course aux constellations de satellites avec le projet Iris². Alors que Starlink, la constellation lancée par SpaceX, domine actuellement le secteur des télécommunications spatiales, l’industriel français affirme que l’Europe peut faire mieux — plus sûr, plus durable et plus souverain.
Une ambition européenne pour les télécommunications spatiales
Au cœur de la compétition spatiale mondiale, le projet Iris² (Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite) vise à déployer une constellation de satellites garantissant une connectivité sécurisée sur l’ensemble du continent européen. S’inscrivant dans les ambitions stratégiques de l’Union Européenne, Iris² répond à des enjeux de souveraineté numérique, de résilience technologique et de couverture globale, y compris dans les zones isolées ou dépourvues d’infrastructures terrestres.
Hervé Derrey, ingénieur diplômé de l’École Polytechnique et à la tête de Thales Alenia Space depuis 2020, affirme que cette initiative marquera une rupture : « L’industrie européenne n’a pas à rougir des performances techniques des constellations américaines. Iris² a été pensé pour faire mieux que Starlink, sur le plan de la sécurité comme de l’efficience ». Une ambition claire : positionner l’Europe non comme suiveur, mais comme concurrent crédible des géants américains.
Thales Alenia Space en chef de file du projet Iris²
Principal maître d’œuvre industriel, Thales Alenia Space joue un rôle central dans la conception et le déploiement du programme Iris². L’entreprise, spécialisée dans les technologies de communication, mise sur une transformation profonde des standards satellitaires. Grâce à des innovations telles que les logiciels embarqués définis par logiciel (software-defined payloads), elle espère offrir des services plus souples, personnalisables et sécurisés que ceux actuellement proposés par Starlink.
Dans une industrie bouleversée par l’arrivée des constellations en orbite basse, qui a fait chuter les commandes de satellites géostationnaires de 20 à une dizaine par an, Thales veut tourner cette disruption à son avantage. « L’ère des satellites statiques est dépassée. Ce que demande aujourd’hui le marché, c’est de l’agilité, de la modularité et de la réactivité aux menaces numériques. C’est exactement ce que nous développons », affirme Derrey.
Un marché en mutation dominé par la rapidité et la souveraineté
Alors que la constellation Starlink, avec ses milliers de satellites déployés à marche forcée, a bouleversé la logique économique des télécommunications spatiales, Thales Alenia Space mise sur la différenciation : moins sur le nombre, davantage sur la sécurité, la coordination avec les institutions publiques européennes, et la durabilité.
Le projet Iris² cible notamment les applications gouvernementales, la protection des infrastructures critiques et la connectivité dans les territoires reculés. Contrairement à Starlink, tourné vers un usage grand public mondial, Iris² répond à une logique de service public paneuropéen. Ce positionnement unique pourrait bien constituer l’un de ses avantages compétitifs majeurs.
Une indépendance stratégique assumée
Refusant une logique de consolidation forcée avec d’autres géants industriels comme Airbus Defence & Space, Thales Alenia Space mise sur sa croissance interne. Hervé Derrey revendique une stratégie d’autonomie technologique : « Nous avons les capacités internes pour rivaliser, sans fusionner. Notre savoir-faire historique et notre capacité à innover nous permettent d’avancer rapidement et efficacement. »
Cette posture contraste avec les appels répétés à former un « Airbus des satellites », souvent avancés pour renforcer la compétitivité européenne face à SpaceX. Mais pour Derrey, l’agilité d’une structure spécialisée comme Thales Alenia Space reste sa meilleure arme. L’entreprise investit ainsi massivement dans le numérique, réduisant les coûts et améliorant ses marges grâce à la modularité logicielle de ses plateformes.
Vers un espace plus propre : l’enjeu de la durabilité
Dans un contexte où les débris spatiaux menacent la sécurité des orbites basses, Thales Alenia Space a pris des engagements concrets pour un secteur spatial responsable. L’entreprise a signé un accord de bonnes pratiques visant à limiter les déchets en orbite, à assurer des manœuvres de fin de vie contrôlées et à privilégier une architecture modulaire et réutilisable chaque fois que possible.
Ces principes alimentent également la conception d’Iris², pensé pour minimiser son empreinte sur l’environnement spatial. En démontrant que sécurité et durabilité peuvent aller de pair, Thales espère tracer une nouvelle voie, alternative au déploiement massif adopté par d’autres constellations.
Soutenir l’Europe dans la nouvelle économie spatiale
Avec Iris², Thales Alenia Space veut non seulement proposer une alternative crédible à Starlink, mais aussi offrir à l’Europe un levier stratégique dans la compétition numérique mondiale. Sous la direction d’Hervé Derrey, l’entreprise affirme sa volonté d’être au centre d’une « souveraineté connectée », alliant haute technologie, responsabilité environnementale et résilience sécuritaire.
Alors que le Vieux Continent cherche à rattraper son retard dans la course aux constellations, Iris² apparaît comme une réponse assumée et ambitieuse. La bataille ne se joue plus uniquement dans les livres de commande, mais dans une vision du futur satellitaire — plus contrôlée, plus durable, et plus européenne.
