Après plus d’une décennie d’exploration scientifique, la sonde Juno s’apprête à plonger dans l’atmosphère de Jupiter, livrant une dernière moisson de données avant de disparaître dans les profondeurs de la géante gazeuse. Lancée par la NASA le 5 août 2011, cette mission marque un tournant dans notre compréhension du plus grand corps céleste du système solaire. La manœuvre finale, prévue dans les tout prochains jours, sera à la fois un adieu et une étape déterminante dans la quête de réponses sur la structure interne de Jupiter.

Un objectif ambitieux au cœur de Jupiter
Conçue pour percer les secrets des couches profondes de Jupiter, la mission Juno visait à étudier la composition, la gravité, le magnétisme et les conditions météorologiques extrêmes de la planète. Elle est équipée de huit instruments scientifiques, notamment des spectromètres, un radiomètre micro-ondes et un magnétomètre, qui ont fait de la sonde une plateforme d’observation inégalée.
En rupture avec les précédentes missions d’exploration planétaire, Juno a été la première sonde à destination d’une planète externe à fonctionner entièrement à l’énergie solaire. Cette prouesse technologique, cruciale pour son autonomie à près de 800 millions de kilomètres du Soleil, a permis de prolonger ses activités bien au-delà des espérances initiales.
Voyage interplanétaire et orbite stratégique
Le périple de Juno débute avec son lancement depuis Cap Canaveral, propulsée par une fusée Atlas V. En octobre 2013, elle réalise un survol de la Terre pour bénéficier d’une assistance gravitationnelle, une technique qui permet d’augmenter sa vitesse sans consommation de carburant.
Le 4 juillet 2016, la sonde rejoint enfin Jupiter, se positionnant sur une orbite polaire très elliptique. Cette trajectoire, qui la porte périodiquement au-dessus des pôles joviens, avait pour but d’éviter l’exposition prolongée aux ceintures de radiations intenses entourant la planète, tout en permettant un scan minutieux de son atmosphère et de ses champs émis. Prévue à l’origine pour durer vingt mois, la mission bénéficie d’une prolongation grâce à la bonne santé des systèmes embarqués, étendant sa durée jusqu’en septembre 2025.
Des découvertes qui redéfinissent Jupiter
Les données transmises par Juno ont bouleversé les connaissances sur Jupiter. Parmi ses avancées majeures, la détection d’une couche atmosphérique plus étendue que prévu et la découverte d’un noyau interne dilué et composé d’éléments lourds suggèrent une formation plus complexe qu’estimée jusqu’alors.
Grâce à sa caméra JunoCam, initialement prévue comme un outil d’engagement du public, la sonde a également offert des images spectaculaires des pôles joviens, inédits dans toute l’histoire de l’exploration spatiale. Ces clichés ont permis d’observer de vastes tempêtes cycloniques polaires, organisées en motifs géométriques étonnamment stables.
Les observations de Juno ont également jeté une lumière neuve sur l’interaction entre Jupiter et certains de ses satellites, ouvrant la voie à de futures recherches sur les lunes du système jovien, dont Europe et Ganymède.
Une plongée finale pour un ultime secret
La mission s’achève par un dernier acte à la fois spectaculaire et stratégique : une plongée contrôlée dans l’atmosphère de Jupiter. Cette manœuvre permettra aux instruments de Juno de sonder les couches profondes de la planète à une profondeur jamais atteinte, rassemblant des données essentielles sur sa structure interne et la répartition des éléments chimiques en son sein.
Ce destin contrôlé est un choix délibéré. Au lieu de laisser la sonde dériver dans l’espace ou risquer une collision avec une lune potentiellement habitable, la NASA a opté pour la désintégration progressive de Juno au cœur de la planète. Une fin sacrificielle au service de la science, comparable à celle de la mission Cassini autour de Saturne.
Un héritage durable pour la recherche spatiale
Le legs scientifique de Juno est immense. Grâce à sa longévité exceptionnelle et la richesse de ses mesures, la sonde a permis une avancée majeure dans notre compréhension des planètes géantes, une catégorie dans laquelle Jupiter joue un rôle central tant dans la dynamique du système solaire que dans la comparaison avec les exoplanètes récemment découvertes.
Cette mission illustre également la capacité d’optimisation des ressources par les agences spatiales, combinant longévité et retour scientifique. Les données collectées continueront d’alimenter les recherches pendant des années, en particulier dans le cadre de projets comme ceux en préparation autour de la lune Europe ou du programme Artemis.
Alors que Juno s’efface dans l’atmosphère dense de Jupiter, le regard des scientifiques reste rivé sur les transmissions finales de cette sentinelle céleste. Elles pourraient bien receler encore les indices décisifs pour percer les secrets les plus profonds de la planète géante, et, avec elle, une partie des origines de notre propre système solaire.