Des scientifiques ont récemment franchi une étape majeure dans la quête d’une cinquième force fondamentale de la nature en analysant les données ultra-précises de l’astéroïde Bennu, collectées par la mission OSIRIS-REx de la NASA. Alors que la gravité, l’électromagnétisme, la force nucléaire forte et la force nucléaire faible régissent actuellement notre compréhension de l’univers, cette recherche pourrait bien ouvrir la voie à une révision profonde du Modèle Standard en y ajoutant un nouveau chapitre : une force encore invisible, peut-être liée à la matière noire.

Un laboratoire spatial inattendu : Bennu
Bennu, un astéroïde de 500 mètres de diamètre découvert en 1999, attire l’attention des physiciens en raison de son comportement orbital complexe. Entre 2018 et 2021, la sonde OSIRIS-REx a cartographié sa trajectoire avec une précision inédite. Ces données, croisées avec les relevés radar terrestres accumulés sur plus de deux décennies, permettent aujourd’hui d’analyser d’infimes déviations qui pourraient signaler l’influence d’une force inconnue.
« Interpréter les données de Bennu pourrait réécrire notre compréhension de la gravité et de la matière noire », explique Yu-Dai Tsai du Los Alamos National Laboratory, co-auteur de l’étude.
Ce que disent les données
Les chercheurs ont minutieusement comparé la trajectoire attendue de Bennu, modélisée uniquement selon les quatre forces fondamentales, avec les relevés effectifs obtenus par OSIRIS-REx. Leur objectif : détecter d’éventuelles anomalies, même minimes, qui suggéreraient l’existence d’une force supplémentaire agissant sur l’astéroïde.
Le résultat est double. Aucune preuve directe d’une cinquième force n’a été observée. Cependant, l’étude a permis d’établir les contraintes les plus strictes à ce jour concernant cette force hypothétique, notamment sur la masse et la portée des particules de type bosons ultra-légers qui pourraient la véhiculer.
Des implications pour la matière noire
Cette force invisible, si elle existe, pourrait être intimement liée à la matière noire, cette composante majeure de l’univers encore non observée directement. Certains modèles théoriques supposent que la matière noire interagit très faiblement avec la matière ordinaire en exerçant une influence gravitationnelle modifiée, potentiellement détectable sur des objets célestes comme Bennu.
En observant avec une telle précision les fluctuations de sa trajectoire, les scientifiques ont pu éliminer certains scénarios théoriques tout en affinant les paramètres des modèles les plus prometteurs. Ces avancées renforcent l’idée que l’étude dynamique des astéroïdes peut devenir un outil stratégique pour explorer la physique au-delà du connu.
Un tremplin vers de futures découvertes
Malgré l’absence d’anomalies évidentes sur Bennu, les chercheurs restent optimistes. D’autres corps célestes pourraient offrir de meilleures conditions expérimentales. L’astéroïde Apophis, par exemple, plus massif et doté d’une orbite différente, est déjà désigné comme un candidat de choix pour poursuivre l’enquête.
« Ce travail ne se limite pas à une quête théorique. Il contribue également à renforcer notre capacité à prévoir les trajectoires d’astéroïdes précisément », souligne Tsai. Cette vigilance est cruciale, non seulement pour la science fondamentale, mais aussi pour la défense planétaire.
Une mission qui continue à livrer ses secrets
L’important volume de données livré par OSIRIS-REx confirme le potentiel scientifique de ce type de mission. Depuis le retour sur Terre des échantillons de Bennu en 2023, les équipes scientifiques ont intensifié leurs analyses, appelées à se poursuivre en 2024 et 2025.
La mission, dirigée par le Centre spatial Goddard de la NASA avec un pilotage scientifique assuré par l’Université d’Arizona, démontre une nouvelle fois que la recherche fondamentale peut s’appuyer sur des plateformes spatiales robustes pour explorer les confins de la science théorique.
Une fenêtre ouverte sur une nouvelle physique
Cette étude marque un tournant. Elle ne livre pas encore la preuve de l’existence d’une cinquième force, mais elle démontre que nous disposons désormais des outils pour la détecter si elle existe. En croisant la rigueur de la mécanique céleste avec les ambitions de la physique fondamentale, un simple rocher spatial comme Bennu peut devenir la clé d’une révolution scientifique majeure.
Ainsi, à mesure que notre regard s’affine sur les mécanismes gravitationnels cosmiques, une évidence se dessine : ce que nous tenons aujourd’hui pour acquis pourrait n’être qu’un fragment d’une réalité plus vaste, encore inexplorée.