Les phoques gris auraient un superpouvoir cellulaire pour survivre à l’asphyxie “même sans respirer”

Pourquoi les phoques gris ne se noient-ils pas lorsqu’ils plongent pendant de longues minutes sans reprendre leur souffle ? C’est à cette question que des chercheurs de l’Université de St Andrews, en Écosse, ont récemment tenté de répondre, en plaçant six individus dans un réservoir expérimental. Ce qu’ils ont découvert va bien au-delà de ce qu’ils imaginaient : les phoques ne sont pas seulement de bons plongeurs, ils sont de véritables maîtres de l’apnée.

Un réservoir pour décoder une énigme physiologique

Les travaux visaient à percer le mystère de la résistance exceptionnelle des phoques gris (Halichoerus grypus) à la noyade. Ces mammifères marins plongent régulièrement entre 5 et 10 minutes, voire plus, sans montrer de signes d’hypoxie. Pour comprendre comment, les chercheurs ont construit un bassin sur mesure, capable de reproduire les conditions naturelles de plongée tout en permettant des observations précises.

Chaque phoque a été observé dans ce dispositif de haute technologie. Les experts ont mesuré des paramètres physiologiques clés : la fréquence cardiaque, la saturation en oxygène, la respiration, et les comportements sous l’eau. L’objectif : identifier les mécanismes permettant aux animaux de survivre sans respirer pendant de longues durées.

La bradycardie plongeuse, un outil vital

Parmi les résultats les plus probants, l’équipe a confirmé l’existence d’un phénomène connu chez certains mammifères marins : la bradycardie plongeuse. Lorsqu’ils plongent, les phoques réduisent drastiquement leur rythme cardiaque. Le cœur ralentit pour diminuer la consommation d’oxygène et prioriser l’irrigation des organes essentiels comme le cerveau et le cœur.

Cette adaptation physiologique est bien plus marquée chez les phoques que chez l’homme. À titre de comparaison, un humain en apnée peut rapidement souffrir d’un manque d’oxygène si la fréquence cardiaque reste trop élevée. Les phoques, eux, mettent leur métabolisme en mode économie d’énergie, comme si leur corps entière passait en veille énergétique.

Un contrôle cellulaire inédit de l’oxygène

Mais la découverte la plus surprenante ne réside pas uniquement dans cette capacité cardiaque. Les chercheurs écossais ont mis en lumière un second niveau d’adaptation : une gestion cellulaire avancée de l’oxygène. À l’échelle microscopique, les phoques semblent capables de cibler l’utilisation de l’oxygène là où il est le plus nécessaire, tout en maintenant les autres tissus dans un état de faible consommation.

De plus, leur organisme tolère beaucoup mieux les toxines produites par le manque d’oxygène. Cette résistance à l’hypoxie réduit significativement les risques de dommages cellulaires ou de détresse respiratoire, ce qui explique pourquoi ils ne perdent pas conscience ni ne se noient lors de longues apnées.

Des implications bien au-delà de la biologie marine

Cette étude ouvre la voie à de nombreuses applications. En comprenant les mécanismes fins qui permettent aux phoques de contrôler leur oxygène et d’éviter la noyade, les chercheurs envisagent des applications dans la médecine humaine. Par exemple, lors de situations d’urgence médicale, d’interventions chirurgicales ou encore dans la recherche sur l’hypoxie cérébrale, ces techniques naturelles offrent des pistes solides.

L’étude intervient aussi dans un contexte écologique plus large. Alors que les pressions anthropiques comme la pollution, le bruit sous-marin et le réchauffement global modifient leur habitat, mieux connaître la physiologie des phoques gris permet d’évaluer leur résilience face aux changements environnementaux.

Une plongée dans l’évolution

Ces capacités ne sont pas le fruit du hasard. Elles résultent de millions d’années d’évolution. Bien que les phoques gris ne rivalisent pas avec les records de plongée de la baleine de Cuvier, capable de rester submergée pendant plus de deux heures, leurs aptitudes métalliques sont finement adaptées à leur niche écologique.

La précision et l’efficacité de leur système respiratoire et circulatoire démontrent à quel point la nature peut perfectionner des fonctions biologiques cruciales pour la survie. En étudiant ces mammifères, la science découvre des solutions élaborées que la technologie humaine peine encore à reproduire.

Vers une meilleure compréhension biomédicale et écologique

L’étude, publiée en mars 2025 dans la revue Science, marque une avancée importante dans la compréhension des processus physiologiques des mammifères marins. À la croisée de la biologie, de l’écologie et de la médecine, ces travaux invitent à poursuivre les recherches sur d’autres espèces plongeuses pour enrichir notre connaissance de la vie extrême sous les océans.

En révélant que les phoques gris combinent un rythme cardiaque maîtrisé, une utilisation ciblée de l’oxygène et une tolérance cellulaire exceptionnelle, l’équipe de St Andrews a mis en lumière une architecture physiologique capable de déjouer un danger fondamental : se noyer là où tout manque d’air pourrait être fatal.

Eric Durand
Eric Durand

Passionné par l’exploration spatiale, Eric Durand suit de près les avancées de SpaceX depuis des années. Sur SpaceX France, il décrypte l’actualité des lancements, des technologies et des projets de l’entreprise d’Elon Musk, avec clarté et précision.

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